Quand le petit Ezio est né au fin fond du Texas, il n’était pas petit. Non, il n’a jamais été un freluquet et son physique a été déterminant tout au long de sa vie. À chaque étape de son enfance et de son adolescence, changement de classe, de sport, etc, on l’a rapidement catalogué comme le grand costaud débile et il a rapidement rectifié l’image qu’on se faisait de lui à chaque fois. Grand, costaud, mais pas débile, oh non. La preuve, il le faisait comprendre aux gens concernés en leur mettant son poing dans la figure. Pourquoi ? Parce qu’il a très vite compris qu’argumenter ne servait à rien et que le moyen le plus rapide et le plus efficace de faire garder leur opinion pour eux aux gens était de les violenter. Le pragmatisme, c’est ce qui le caractérise le plus. Il n’a jamais été colérique, sanguin ou violent gratuitement. En revanche, il ne place pas les limites du bien et du mal au même endroit que les autres. C’est donc de toute bonne foi qu’il a toujours agi, en bien ou en mal, et sans méchanceté aucune. Mais ce petit côté innocent, bizarrement, personne ne l’a jamais perçu chez lui.

Il a grandi au milieu des armes comme un vrai Texan. Ses parents se sont rencontrés au Vietnam, son père en tant que sniper américain et sa mère en tant que devinez quoi ? Il n’empêche que le soldat aima assez la putain pour la ramener au Texas et lui offrir une vie toute pourrie. Ben oui, devenu flic, son père restait black et il a toujours été traité comme un moins que rien, surtout dans ce coin-là des États-Unis. C’est d’ailleurs parce qu’il a vu toute sa vie son père respecter la loi et l’ordre à la lettre sans jamais se rebeller qu’Ezio a pris sa décision : lui, il dépasserait les limites. Il n’est donc pas devenu flic, mais chasseur de primes. Et à dix-neuf ans, il avait déjà une assez bonne réputation pour qu’on fasse appel à lui dans tout l’État. Et si vous vous demandez quel genre de chasseur de primes il était, souvenez-vous des émissions de télé réalité américaine sur le sujet et vous en aurez une idée. La subtilité, c’est pas son truc, mais c’est son choix. Cependant, sa carrière fut courte.

Un jour, en voulant arrêter un criminel quelconque, il l’a abattu. En soi, pas trop grave, c’est les États-Unis. Sauf qu’un flic était sur le chemin, et il s’en est jamais vraiment remis lui non plus. Ezio a pesé le pour et le contre et a décidé d’aller voir de nouveaux horizons, au revoir papa, au revoir maman, bonne bourre les gens. Il a débarqué à Londres le jour de ses vingt-six ans et a tout de suite vu que l’ambiance n’était pas la même. Soit, il raccrocha ses armes et se choisit un autre métier. Plusieurs, même. Il a toujours été rapide à la détente, débrouillard et opportuniste et a lancé pas mal de projets, les abandonnant aussi vite dès qu’ils ne lui rapportaient plus. Capable de s’adapter rapidement, il a vite acquis les différents accents du coin et s’est mis à apprécier sa vie dans ces paysages à l’opposé des déserts du Texas. Même s'il restait comme un intrus, énorme mec baraqué, bronzé et tatoué au milieu des pâles anglais, irlandais, écossais et gallois du cru.

Arriva ce moment à Dublin, il buvait un thé à la terrasse d’un café, petit doigt levé like a gentlman, quand il a vu à l’autre bout de la rue une fille parler toute seule. En soi ça n’était pas très surprenant, vu le monde dans lequel on vit, ma bonne dame ! N’empêche qu’il la observée de longues minutes, jolie, frêle, à faire la conversation à des murs… Peut-être bien qu’il a eu le coup de foudre. Comment expliquer sinon qu’il ait demandé à toutes ses connaissances qui était cette femme ? Devlin, qu’on lui a répondu. Danger, ne pas secouer, qu’on ajouta. Elle gagnait sa vie en mettant en relation des gens avec leurs proches, décédés, les proches. À ce moment-là, Ezio vit l’occasion de sa vie : allier l’utile à l’agréable. S’il pouvait connaître cette fille tout en profitant de l’argent qu’elle pouvait toucher, parce qu’il y avait du fric à se faire dans cette histoire, si seulement elle faisait ça un peu sérieusement. Il ne sait plus qui les a mis en contact. Il se souvient qu’elle l’a regardé de haut en bas et qu’elle a accepté sans sourciller qu’il devienne son manager. Avec le recul il se dit que sa demande devait ressembler à autre chose, surtout avec sa tête, avec son physique, et que n’importe quelle autre femme l’aurait fui en courant. Mais il était sincère, et apparemment Devlin l’avait vu. Ou bien elle était vraiment folle. Il n’était pas encore sûr, même après toutes ces années. Lui-même ne douta jamais une seconde qu’elle ait un véritable don. D’ailleurs un jour elle lui annonça que son père était mort, vu qu’il était là, genre, quasi assis sur les genoux de son fils partout où il allait. Cool, pap’s. Même s’il ne le voyait pas, ce fut une période dérangeante pour Ezio, mais Devlin finit par chasser l’intrus, heureusement. Et puis c'était pas le pire des fantômes qui auraient pu venir le stalker. Leur collaboration fut fructueuse à tous les niveaux. Leur mariage ? Un bonheur. Il épousait la folle de sa vie à un âge respectable. La Belle et la Bête, live action movie.

Honnêtement, l’apocalypse zombie, c’était pas grand-chose comparé à leur divorce qui survint assez rapidement. Bon eh bien c’est la vie. Elle a demandé le divorce, il a dit okay. Ils étaient faits l’un pour l’autre, mais peut-être un peu trop, et les paradoxes, ça fait mal à la tête. Et puis soyons honnête, ils ont passé autant de temps à rouler dans les champs en gloussant qu'à se jeter divers objets à la figure, deux activités aussi plaisantes l'une que l'autre, au demeurant.

N'empêche qu'il l'aimait, lui, même s'il aimait aussi son indépendance. Ezio repartit sur les routes et puis un jour, de retour en Irlande, il faisait la queue au MacDo quand il a vu une cliente dédaigner son bigmac pour croquer la joue de sa gamine. Mmmh, bizarre. Au-delà du fait divers, l’instinct de chasseur depuis longtemps enfoui en lui se réveilla et il rentra à son hôtel sortir ses armes de sa valise. Tout le monde sait comment cette histoire se finit. Aux yeux d’Ezio, mourir bouffé ou mourir autrement, c’est pareil. À part s’endormir et ne jamais se réveiller, il n’y pas de bonne façon ni de propre façon. Sa vie n’a pas vraiment changé en fait : il est toujours sur les routes, il manie toujours ses armes, escroque toujours les gens - faut pas le prendre mal surtout, mais bon, c’est la norme maintenant. De temps en temps il se pose quelque part, sort le fusil sniper de son père et se fait plaisir, se déplaçant tous les deux ou trois tirs, puis se tenant tranquille quelques heures. Ensuite, il va fouiller les cadavres, mais plus le temps passe, plus ils pourrissent, les salopiauds, et moins leurs affaires de valeur résistent au temps. C'est sûr qu'avec les vivants, le détroussage, ça fonctionne mieux, même si bizarrement quand les gens le voient arriver ils se méfient un peu. Mais y'a pas de quoi, vraiment, Ezio ne trucide personne ayant le teint frais et les joues rondes, enfin sauf cas de force majeure, parce que bon, dans l'absolu, c'est lui d'abord.

Est-ce que c’est de plus en plus difficile de survivre ? Sûrement. Mais ça veut juste dire qu’il faudra bientôt s’adapter encore. Il ne se demande pas pourquoi, à cause de qui, quel avenir attend le peu d'humanité qui subsiste. Il a essayé de s’intégrer à des groupes, mais ça ne fonctionne pas. Pourtant il est calme, sait se tenir tranquille et est plein de bonnes idées, mais il finit toujours par réaliser qu'il perd plus qu'il y gagne à rester avec des gens. Alors il se balade tout seul. Ces derniers temps il a entendu parler de l’Écosse, un genre de dernier bastion de la résistance. Là-bas, il y aurait pas mal de survivants, et le monde est petit, alors bien sûr, il y est allé. Pourquoi, à votre avis…