"Dinah, t'oublieras pas de ranger tout ce bordel." La dénommée Dinah se redresse et jette un coup d’œil autour d'elle. Il est vrai que son bureau est en pagaille mais ce n'est pas une raison pour s'adresser à elle ainsi. Ah il est loin le temps où les gens se pliaient en quatre pour elle. En ce temps-là, elle se trouvait à Monaco, le soleil brillait et les gens ne se transformaient pas en zombies à tout bout de champ. Elle se pavanait dans son manoir, souriait aux journalistes qui la croisaient dans la rue et faisait des courbettes lors de certains bals et galas car en ce temps-là, la jeune fille était marquise, mais c'était il y a fort longtemps. D'ailleurs, ce n'était pas la seule chose qui faisait d'elle un être unique - ou si pas unique, spécial en tout cas -, Dinah était née avec un dysfonctionnement qui ne lui permettait pas de sentir la douleur. Pas facile de grandir avec ça, même si sa famille faisait tout ce qui était en son pouvoir - autant dire des tas de trucs - pour la couver du mieux qu'ils le pouvaient. Ca ne l'empêcha bien sûr pas de passer un temps considérable à l'hôpital parce qu'elle s'était cassé un bras, fêlé une côte, brûlée et ainsi de suite. C'est même le point de départ de sa passion pour la science, à force de passer du temps en compagnie des plus grands spécialistes du monde.

Celle qui était à présent une jeune femme rangea un peu les notes qui traînaient tout autour d'elle. C'est-à-dire qu'ils vivaient tous dans un bunker et que si l'un d'eux pétait un plomb - ça pouvait arriver, ils ne voyaient pas assez la lumière du jour et ce n'était pas la première fois que la demoiselle se faisait la réflexion - alors il y avait de fortes chances pour que personne n'en réchappe. Parfois, Dinah se demandait comment elle était passée des vastes palais de Monaco à un mont lugubre en Ecosse. Eh bien la réponse est simple : il lui avait fallu vivre en Angleterre pour poursuivre ses études qui s'étaient tout naturellement tournées vers la pharmacologie. Souffrant de nombreuses allergies, elle avait pensé que ça serait intéressant de pouvoir faire ses propres remèdes. En vérité, la marquise avait commencé ses études bien avant de déménager par le biais de professeurs particuliers et qu'importe si elle était en avance sur son programme scolaire. Une chance, soit dit en passant car un an seulement après son emménagement, les choses se gâtèrent et pas qu'un peu. Dinah se rappellerait toujours de comment elle avait appris la nouvelle, on en parlait depuis quelques temps à la télévision, des mesures avaient même été prises mais ça fait partie de ces choses qu'il faut voir pour croire.

Elle avançait à présent dans un couloir presque aussi aseptisé que celui dans lequel elle se trouvait lorsqu'elle avait vu de ses yeux ce qu'elle n'osait croire avant cela. Les lampes au néon suspendues au plafond donnait ambiance irréelle à la scène. Pour la énième fois, Dinah s'était blessée et se retrouvait donc à l'hôpital. Aux urgences, plus précisément où d'autres patients arrivaient, minutes après minutes dont un vieil homme venant de faire une crise cardiaque. Le monitoring montrait une ligne plate depuis quelques minutes et ses proches étaient occupés à le pleurer, ne souhaitant pas qu'on l'emmène directement à la morgue de l'établissement. C'est alors que ses doigts avaient remués. Les paroles ayant été prononcées à ce moment-là résonnaient encore dans sa tête. "Il est vivant ! Erreur de diagnostique ! Encore un peu et nous enterrions notre père vivant par votre faute, je vais vous traîner devant les tribunaux !" s'écriait une femme, un index menaçant pointé sur un médecin. Sauf qu'entre-temps, le père en question s'était relevé, avait attrapé le doigt de sa fille pour s'en faire un chix finger. Dinah avait été presque aussi secouée qu'une bouteille d'orangina mais un professeur qu'elle connaissait pour avoir été sa patiente passa par-là et la kidnappa. Il n'y avait pas d'autres mots.

Ce n'est qu'après être passée à son studio, avoir rassemblé quelques affaires - dont un fléau d'arme volé au musée qui se trouvait tout à côté de chez elle car c'était devenu la folie dans tout le pays, les gens se battaient pour voler des trucs ainsi que pour s'enfuir en voiture - et avoir fait un long voyage jusque dans le fin fond de l'Ecosse qu'elle comprit que, d'un commun accord, tout un petit groupe d'éminents scientifiques avaient établis un plan visant à secourir l'humanité. Ces gens étaient très intelligents mais aussi un peu dingues. Leur plan génial, c'était de se terrer dans un bunker, bien à l'abri de ce qu'il se passait au-dehors et de bosser sans cesse. Il leur fallait bien sortir de temps en temps, aller chercher des cadavres, parfois même des zombies afin de tester des vaccins et Dinah s'y collait avec joie, ne faisant même plus attention à qui pouvait bien l'accompagner car elle savait bien que le manque de lumière tapait sur le système nerveux ainsi que sur la santé dans sa globalité. On ne peut bien sûr pas dire que ça ne lui avait pas servi, elle avait plus en quatre années, entourée de ces gens - dont certains étaient morts au cours d'expédition, comme l'infortuné professeur qui l'avait sauvée, elle s'en rendait compte avec le recul - qu'en autant d'années d'étude.

Mais force est de constater qu'après quatre ans, l'échec fait mal. Ils tournent tous en rond depuis des mois, en venant à se demander s'ils ne devraient pas faire des tests sur des personnes vivantes. La jeune femme n'a rien contre, en théorie, ces gens feraient partie des dommages collatéraux et puis il valait qu'une dizaine de personnes meurent pour la science plutôt que de voir la race humaine s'éteindre définitivement. Dinah y repensait tout en se couchant, serrant sa peluche contre elle. Demain, il faudrait qu'elle sorte pour capturer un humain. Les ordres sont les ordres.